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NOUVELLE ZÉLANDE,

AU BOUT DU MONDE

 

Par Rached Trimèche

 

 

Auckland. (Avril 1974).Très tôt le matin, ma famille tahitienne est déjà réveillée, elle commence à me parer de plusieurs colliers de coquillages. Les colliers de l’adieu ! Les colliers de fleurs étant pour l’arrivée…

Une charmante hôtesse tahitienne de la compagnie UTA m’aide à trouver mon siège d’avion vers l’avant de l’appareil. Brûlé par un fort coup de soleil, je supporte mal ma fine chemise et mes beaux colliers. Sept heures de vol pour aller de Papeete à Auckland, en Nouvelle Zélande.

 

 

 

Avec malice, mon aimable hôtesse essaye cette fois de m’expliquer un phénomène curieux :

« Effectivement, ce 9 avril 1974 vous n’aurez pas d’anniversaire ! Puisque nous venons de survoler « la date line » ou ligne imaginaire, qui change la date du calendrier, une heure avant votre heure de naissance ! Il est n’est que 11 heures, vous êtes né à midi, mais ayant dépassé « la date line », nous ne sommes plus le 9 avril mais le 10, et votre anniversaire a sauté…Les bizarreries de ce bout du monde ne font que commencer !

 

Nous atterrissons enfin à Auckland, la ville la plus au nord de la Nouvelle Zélande. Nous sommes bien au bout du monde ! Si de Genève on perçait un trou de façon à traverser la terre de part en part, on se retrouverait à l’antipode de l’Europe occidentale, en plein cœur de la Nouvelle Zélande ! Le bout de la terre pour nous, mais nous sommes bien au bout de la terre pour eux. Et ils le disent ! En ce mois d’avril nous voilà étrangement en plein automne ! Ici, l’hiver correspond au mois de juillet. Enfin à Auckland, il fait plus chaud dans cette île du nord, que dans l’île du sud, à Christchurch par exemple. Le nord est pour une fois (pour nous) plus chaud que le sud !

 

Notre douanier est des plus méticuleux. Rien ne passe sans contrôle, il fait tout passer au peigne fin. Devant mon air fâché, il me tend un petit prospectus « Prenez ceci, et vous comprendrez pourquoi on vous fait attendre comme cela ! » C’est qu’il n’a pas tort monsieur le douanier. Dans ce pays de trois millions d’habitants, il y a 25 moutons par habitant. Pour sauvegarder ces 70 millions de moutons il n’est pas question de laisser entrer n’importe quoi aux frontières du pays.

 

Je suis cafardeux, épuisé et attristé de me trouver ce matin dans cette grande ville de 700 000 habitants à Auckland. A l’idée de devoir prendre un bus avec ma valise, et d’aller chercher un hôtel en ville, je suis déjà malade. Le mal de Tahiti est déjà ancre en moi, et la Nouvelle Zélande du bout du monde reste très énigmatique pour moi…

 

Les caprices du hasard. La destinée. Voilà que dans cette vaste salle de l’aéroport, mon regard se pose sur un gigantesque K bleu bordé du jaune, peint sur un mur, surmontant un numéro de téléphone…Me voilà sauvé !  

 

Je ne saurai jamais comment a travaillé mon cerveau pour me souvenir de mon bref passage au club KIWANIS (K) de Lausanne. Qui aurait prédit, que la vue de cette simple lettre K à l’aéroport d’Auckland, serait le départ d’une grande aventure kiwanienne en Afrique en général et en Tunisie en particulier où a été créé le premier club Kiwanis du continent…auprès des autres grands clubs services similaires les Lions’s et les Rotarys ! Le hasard. J’y crois !

 

Une heure après mon coup de téléphone, un Kiwanien à l’aéroport d’Auckland arrive pour me souhaiter la bienvenue au pays, me « prendre en charge » et me faire découvrir le début d’une longue chaîne d’amitié internationale…

 

Le soir au dîner, je suis assis à la droite de Jack Delowe, Gouverneur du Kiwanis de Nouvelle Zélande. Une seule chose me fascine pendant toute cette réunion, c’est la tenue vestimentaire de cette assemblée.

 

A 13 000 kilomètres de San Fransisco

Je me vois feuilletant les pages d’histoire d’un livre sur la Grande Bretagne du début de ce siècle ! Mon voisin d’en face résume le prototype du groupe.

 

Industriel de métier, la quarantaine bien portée, il porte une chemise jaune moutarde, avec une cravate à pois rouges et bleus, sans veston, un short blanc, de longues chaussettes blanches en laine, repliées au niveau du genou, de lourdes chaussures noires, une moustache à la Hitler, des cheveux coupés en brosse et enfin des favoris arrivant au cou.

 

Mais où sommes-nous au juste dans ce vaste Océan Pacifique ? Pour venir d’Europe à la Nouvelle Zélande, il faut faire cinq semaines de bateau ou deux jours d’avion. Le décalage horaire est de 13 heures ! Pour venir de Sydney il faut trois jours de bateau ou trois heures d’avion. Nous sommes ici à 25 000 kilomètres de Paris, à 13 000 kilomètres de San Fransisco et enfin à 2 200 kilomètres de Sidney !

 

La Nouvelle Zélande est formée par deux îles longitudinales s’étendant sur 2 000 kilomètres, séparées par le célèbre détroit de Cook. Au bas de l’île du Sud se trouve une troisième. STEVART presque inhabitée et minuscule, située au niveau de Terre de Feu au sud de l’Amérique latine, au-dessous du Tropique du Capricorne, au 50ième degré de latitude et 18ième degré de longitude.

 

Grande comme l’Angleterre, l’Italie ou le Japon, la Nouvelle Zélande n’a que 3 millions d’habitants (dont 250 000 indigènes Maoris) soit 28 habitants au kilomètre carré, sur une superficie de prés de 270 000 kilomètres carrés. Ce jeune pays de 120 années de civilisation blanche est dans l’ensemble une grande forêt non explorée, avec 27 pics de plus de 3 000 mètres d’altitude. Des geysers aux volcans, en passant par les milliers de lacs, tout est ici est d’une étrange beauté.

 

Tout comme l’Australie ou la Polynésie, la Nouvelle Zélande fait partie du cinquième continent (ou premier ?), l’Océanie.

 

Les Maoris, d’origine polynésienne avaient dés le 6ième siècle découvert la Nouvelle Zélande. Ces grands et habiles marins appelèrent cette double île AOTEAROA ou Terre du Long Nuage Blanc, ce n’est qu’en 1642 que le navigateur hollandais ABEL TASMAN découvrit ce pays et l’appela en souvenir d’une province des Pays Bas, Nouvelle Zélande !

 

Le capitaine Anglais, James COOK, dont on a longuement parlé à Tahiti, découvrit le premier le détroit qui sépare les deux îles, et lui attribua son propre nom, en 1769. C’est enfin en 1840, que s’établit la souveraineté britannique sur l’île. Mais le statut de Dominion britannique ne fut ratifié qu’en 1907.

La Nouvelle Zélande est membre indépendant du Commonwealth depuis 1931, et a un gouvernement calqué sur celui de l’Angleterre. La Reine Elisabeth est représentée ici par un Gouverneur Général. La reine est si présente ici, que tous les billets de banque portent le portrait de sa majesté la reine. La Queen se retrouve dans chaque ville du pays. La grand-mère royale trouve aussi son nom lié à une Victoria street dans plus d’une ville. Et c’est dans une parfaite démocratie parlementaire que fonctionne la Nouvelle Zélande !

 

Ce n’est pas pour rien que la Nouvelle Zélande est au bout du monde. Dans ce pays, la vie est facile, on se laisse vivre, on PREND SON TEMPS « take it easy »…Grande comme le Japon, la Nouvelle Zélande est quarante fois moins peuplée avec ces quelques 3 millions d’habitants. C’est encore un paradis d’immigration de calme, de santé et de solitude. Etant au 11ième rang des pays riches, la Nouvelle Zélande n’a cette année que 72 chômeurs. Cela va encore, car la cote d’alarme du Gouvernement est de 100 !

 

Le bien-être social est une réalité. La retraite par exemple est accordée d’office à tout citoyen de 65 ans ! Ici, un asile de vieillards est un ensemble de coquettes petites villas, et non une triste et grande bâtisse. Les soins médicaux et les médicaments sont gratuits dans les hôpitaux.

 

A la naissance de chaque enfant, l’Etat verse à ce dernier une allocation mensuelle de 3 dollars. Une nurse de l’Etat sera à son service et viendra lui rendre visite gratuitement et périodiquement pendant les premières années de sa vie. L’Etat enfin (l’Etat providence !) permet aux Néo-Zélandais à très faible revenu, ou pauvres, d’habiter une maison d’Etat pour 16 dollars N.Z. par mois ! (Un dollar U.S est égal à 0,7 dollar N.Z.).

 

L’Etat donne à ses citoyens d’autres avantages. Par sa géographie et ses eaux, la Nouvelle Zélande produit beaucoup d’électricité, et ne fait payer au citoyen que 3ct (0,15 FF) le KW/H. Les conversations téléphoniques locales sont tout simplement gratuites. Le litre d’essence ne coûte que 13 ct. La construction d’une belle villa sur un terrain de 700 m² vous reviendra, terrain compris, à 20 000 dollars N.Z. Dans ce pays, seules les voitures non anglaises et non australiennes payent un droit de douane, qui n’est au reste que de 30 % ! Enfin, pour avoir une idée sur le confort du Néo-Zélandais, sachons qu’il y a une voiture pour trois habitants, un téléphone pour deux habitants et un téléviseur pour quatre habitants.

 

Un train pour la capitale Wellington.

Deux journées passées à Auckland à errer entre mes différents nouveaux amis Kiwaniens, à découvrir les petites rues anglaises, le grand port et les immenses parcs verts de cette vaste ville de 700 000 habitants, qui est deux fois plus peuplée que Wellington la capitale, et trois fois plus que Christchurch la ville du sud (…)

 

(…) Dans quelques heures je dois prendre un train pour la capitale Wellington. Mr Kaska me serre longuement la main sur le pas de sa porte et me confie d’un air joyeux « N’oubliez pas que les Néo-Zélandais sont de très gros buveurs de bière, ils détiennent le championnat du monde avec 104 litres de bière par tête et par an ! Allez donc prendre un verre de bière avec eux, et ils seront vos amis ! »

 

Me voici enfin à Wellington, sur le détroit de Cook, à la pointe sud de l’île du nord. Une ville plate s’étale sur des baies et des collines. Tout comme à San Francisco, un tram à rails ou « cable car » circule en ville. Les maisons à toits verts et rouges semblent sortir d’un vieil album de photos anglaises ! A chaque coin de rue ou presque un « Take away  foods » ou petite gargote, vous vend de délicieux sandwichs, dans un cornet à emporter. Dans les vitrines des magasins, la mode exposée date de plus de quinze ans. Rarement une passante distinguée ou élégante vous croise sur un trottoir.

 

Cette femme policière, au coin de la Victoria street, est une Maori, ce qui prouve bien qu’il n’y a pas de discrimination raciale en Nouvelle Zélande ! Deux fillettes en béret bleu et uniforme bleu nuit me dépassent d’un pas assuré allant vers leur école, avec un petit air sérieux voire lugubre ! Le calme et la sérénité des passants sont très surprenants. Partout enfin d’immenses parcs attendent les 320 000 habitants de Wellington, pour se reposer parmi tous ces bosquets et ces fleurs.

 

(…) Le lendemain matin, après un bateau et un bus, on commence notre visite à Christchurch par une vadrouille au restaurant Kiwi sur grande une colline. Nous surplombons d’ici la péninsule de Banks, où viennent se lover la ville de Christchurch et son port. Un peu plus loin, nous découvrons une célèbre petite cabane avec une plaque commémorative : « C’est en 1850 dans ce port qu’accostèrent le « Cressy », et le « charlotte Jane » et deux autres bateaux de bancs ». C’est l’équipage de ces quatre petits bateaux de 750 tonnes qui forma le noyau de la population blanche de la Nouvelle Zélande !

 

Pour mieux comprendre ce pays du bout du monde, Jill, le zoologiste, me propose de visiter le musée « Catherbury » de la ville. Ma première surprise est de voir des célèbres Kiwis, que je voulais tant voir dans ce pays, exposés…empaillés ! Mais où sont donc les Kiwis au pays des Kiwis ?

 

C’est que l’emblème national du pays, le Kiwi, ne court pas les rues ! Cet oiseau nocturne n’a plus que 10 000 frères vivants dans le pays, qui sont hélas en voie de disparition. Le kiwi est un oiseau sans ailes un peu plus grand qu’un coq. Un crin grisâtre et court remplace les plumes d’oiseau. Le cou trapu de cet aptéryx ou kiwi est emmanché d’un long bec, avec un curieux petit nez poilu. Ces poils de nez servent de guide électronique ou de radar pour l’animal ! Enfin un gros œuf plus grand que celui d’une poule est pondu une fois par an. Au stand voisin j’achète un petit kiwi argenté que j’accroche à la boutonnière de mon veston !

 

Dans une autre vitrine du musée, un Tuatara ou petit lézard à trois yeux, vous donne la chaire de poule. Dans le grand parc du musée, les Thars ou chèvres sauvages, voisinent avec les kea ou gros oiseaux du genre albatros. Avec fierté et amertume Jill me montre cette dernière curiosité du musée, un Takahe ou petit faisan bleu. Il ne reste plus que 20 takahes dans le monde !

 

La pluie voulant absolument être des nôtres, nous ne sommes plus que quatre personnes à aller passer l’après-midi en excursion au petit village voisin, AKAROA ! Au port, un jovial marin à l’allure marseillaise, aux cheveux coupés en brosse, et au buste nu, malgré la fraîcheur de l’air, décharge des caisses de sardines d’un petit cargo. Ce francisé nous reçoit avec un seul mot français connu : bonjour ! Nous sommes bientôt invités chez lui, pour boire une bière, entourés de ses dix enfants. Monsieur Lelièvre est appelé ici, le « froggy » qui signifie grenouille à l’origine, et aujourd’hui « français », par extension et gourmandise culinaire de ce peuple.

 

Le capitaine Langlois accosta à Akaroa

Akaroa, le village des « froggys », est un attrape-touristes, car de français il n’y a que le nom de certaines rues, comme Grande rue ou Rue Lavaud. Il reste toutefois une jolie histoire française de ce village de 500 habitants.

 

C’est en 1838 que le capitaine Langlois accosta à Akaroa. Le temps d’aller en France vendre le produit de sa pêche et de ses trouvailles, le voilà revenu à Akaroa 2 ans après, avec seulement 48 heures de retard… Deux jours auparavant, les Anglais ont accosté ici en l’an 1840 ! C’est ainsi, que Langlois et ses 72 marins sont réduits à un second rôle colonial. Le musée actuel d’Akaroa est l’ancienne demeure de ce fameux capitaine Langlois. Je remarque un lit français insolite dans une pièce…C’est le lit de la mère de notre ami au torse nu, monsieur Lelièvre ! Cette dame décédée le mois passé était la dernière personne à parler la langue de Racine à Akaroa !

 

En deçà de la plage d’Akaroa, au sable brunâtre et rugueux, se dresse sur une côte rocheuse, une insolite église maorie ! Sortant de cette église, un charmant couple maori nous invite à prendre le thé chez lui. Au milieu de la cour d’entrée de leur petite villa, une vieille voiture anglaise modèle 1948, fait l’admiration des enfants maoris. Les trois enfants de cette famille sont couverts de gros pull-overs et ont les pieds nus !

 

Bien que brassés aux « Pakohas » ou blancs, les Maoris gardent toujours leur langue et leurs us et coutumes ancestraux.

 

De l’ancêtre polynésien, ils gardent la bonne humeur et la légendaire paresse ! Ils vivent encore de tissage de chanvre, de sculpture sur bois, os de baleine et pierre. Ils gravent ainsi (un peu comme les Aztèques du Mexique) leur histoire et leur religion maories. A l’université, leur langue est toujours enseignée. Enfin, le célèbre écrivain Néo-Zélandais, Katherin Mansfield, parla longuement d’eux.

 

3 000 moutons broutent paisiblement chez le voisin ! La grandeur de ce troupeau est des plus normales dans ce pays, où Panurge serait roi, avec 70 millions de sujets moutons ! La Nouvelle Zélande est, en effet, le réservoir mondial de viande ! En 1830, c’est d’Australie qu’arrivèrent les premiers moutons de race « merinos ».

 

Mais aujourd’hui c’est la race « Romney », qui représente 76 % du cheptel ovin de la Nouvelle Zélande. Quant à la race « perendale » à la belle laine, et à la bonne viande, elle vient de prendre pied ici.

 

Aujourd’hui, le kilogramme de viande ne coûte que deux dollars N.Z., la livre de beurre 13 ct., et le litre de lait 6 ct.. Qui dit mieux ? L’Etat a instauré un « meat schedule paiement », balance de prix ou caisse de compensation de viande, pour couvrir toute hausse ou baisse des prix de viande ! C’est la sauvegarde de la stabilité des prix et de l’économie ! Enfin, ce sont des offices étatiques de viande, de laine et de produits laitiers, qui s’occupent de la commercialisation de ces précieuses denrées.

 

Une Russie au bout du monde ?

Debout, le prêtre dit : « Christo vos cressé » (écriture phonétique). Debout, la foule répond : « Voicina vos cres » et au prêtre de reprendre : » « Jesus vos crese »!

 

Nous sommes de retour à Christchurch, il est minuit, nous assistons à la messe de Pâques. Dans une minuscule église de bois, trente personnes assistent à cette messe pascale russe. Le prêtre pèlerin qui va de ville en ville visiter les immigrés Russes, ne passe dans cette église, que tous les trois ans ! Je me sens un peu sur une autre planète, assistant à une messe de Pâques, en russe, à minuit, par un froid Sibérien, au bout du monde, en Nouvelle Zélande : «Jesus vos cresse ? voicina vos cresse ! »

 

Le lendemain c’est une autre surprise qui m’attend dans ce curieux pays d’immigrés de toutes sortes. Au pas de sa porte, un honorable sexagénaire, aux lunettes rondes et blanches, et à la barbiche blanchâtre, me reçoit avec une bienvenue arabe cette fois : « Marhaban ya Akhi ». Je m’attendais à écouter le français, à la rigueur le russe dans ce pays, mais pas l’arabe ! Mon hôte, monsieur Goldring, me parle de sa vie d’immigré : « pendant la deuxième guerre mondiale j’ai dû quitter l’Egypte, pour aller en poste à notre ambassade de Londres. Finalement, je quittais au bout d’un an l’Angleterre pour venir m’installer et me réfugier en Nouvelle Zélande ! »

 

« Voyez-vous, ici nous sommes dans un paradis terrestre « the wonderland » comme ils disent. Dans cette partie du Pacifique Sud nous sommes en paix ! Nos nerfs ne sont plus soumis à de dures et pénibles épreuves !  Nos montres ne sont plus harassées cent fois par jour ! On se laisse vivre en paix ! ».

 

Dans un anglais académique mon hôte continue : « Depuis 1938 les avantages sociaux sont énormes. Depuis le 1ier avril par exemple, tout accidenté et pris en charge par l’Etat (et les assurances ?). Les hôpitaux sont gratuits pour tous les citoyens ! Cette semaine au fait, notre Premier Ministre, Mr Kirk, se fait soigner à l’hôpital populaire pour enlever ses varices…D’autre part, c’est à Auckland, que le Baron de Rothschild est dernièrement venu faire soigner son épouse par un éminent cardiologue, le Dr. Bird Boys ! Enfin, dans cette dernière ville, le Suisse Bryck est à la pointe de la recherche sur le cancer ! »

 

Après la Scandinavie, nous avons la plus grande espérance de vie du monde !

Nos hommes vivent jusqu’à 70 ans et nos femmes à 74 ans ! Depuis 1893, nos femmes ont le droit de vote ! La Nouvelle Zélande est le premier pays du monde à accorder ce droit de vote aux femmes. Pensez un peu aux Suissesses qui n’ont eu ce même droit que depuis quelques années à peine ! Quant au taux de mortalité infantile, nous avons le troisième taux le plus bas du monde ! »

 

« Pour tout dire sur le Néo-Zélandais, sachez que c’est un homme bricoleur, qui sait tout faire de ses mains. C’est le pays du système D. Le Néo-Zélandais est une personne simple, non compliquée, au grand cœur et à la porte toujours grande ouverte ! »

 

Un des buts de ce périple-reportage est de descendre vers la calotte sphérique sud du globe terrestre, par l’aéroport, ou le port de Dunedin, au sud de la Nouvelle Zélande. Mais vouloir est une chose et pouvoir en est une autre ! Tout comme il y a quatre ans au sud du Chili, entre Osorno et Puerto Montt, je suis bloqué par la neige, je ne peux descendre vers la calotte sphérique sud ! C’est que le temps devient des plus désagréable, le vent féroce et rapide, la pluie tenace et le froid coriace ! J’apprends que le port et l’aéroport de Dunedin sont bloqués pour quinze jours au moins, à cause des difficiles conditions climatiques. Non, je n’irai pas au pôle sud !

 

Je change de programme pour regagner Wellington la capitale (…)

(…) Dan un petit bureau en forme de long couloir peu éclairé, je suis reçu très gentiment et simplement par Monsieur MULDOON, chef du parti national, de l’opposition.

 

Très sobrement, il brosse un tableau du pays : « Depuis 1935 notre parti, le Parti National n’est plus seul au pouvoir. Ce sont les travaillistes qui sont aujourd’hui au pouvoir ! Mais notre parti national conservateur a toutes les chances de passer très bientôt au pouvoir de nouveau ! »

« Notre économie est saine. Nos devises viennent de l’exportation de la nourriture en grande partie. Nous exportons de la viande congelée ou en boites, du lait, des fromages et des légumes congelés. Nous sommes du reste le premier exportateur du monde de viande et de produits laitiers, et le deuxième de laine ! Notre P.N.B. est 2 500 dollars N.Z. par tête et par an ! »

 

« Depuis que nous sommes détachés de l’Angleterre, notre livre a été convertie en dollar N.Z., le 10 juillet 1967 ! L’an prochain, on instaurera le système métrique dans le pays, on passera du gallon au litre (4.2 litres pour un gallon), et du mile au kilomètre (1.609 kilomètre pour un mile). Il restera enfin un autre changement à opérer, c’est la conduite à droite… Cela viendra en son temps. En Nouvelle Zélande vous pouvez tout entreprendre, à condition d’avoir une autorisation ! » Cela est très vrai…je pense à l’histoire de mon visa néo-zélandais demandé à San Francisco !...

 

Les pronostics de Monsieur Muldoon sont exacts, puisque plus tard, en novembre 1978, le parti national conservateur passe au pouvoir avec 51 membres à l’Assemblée, et Monsieur Muldoon devient le Premier Ministre du pays !

 

Dans un autre bureau, immense et rustique, Sir Francis KITTS promène sa stature d’un monsieur de soixante ans bien tassés. On ne peut être d’allure plus « vieille Angleterre » que Sir Kitts, le Maire de Wellington !

 

Quelques heures avant mon départ pour Sydney en Australie, je suis reçu très courtoisement par le Maire. Le portrait de sa majesté la Reine Elisabeth, dédicacé par une longue et belle signature royale, occupe le centre du mur d’en face, dans ce grand bureau. Dans un autre cadre on voit la photo on voit la photo de la Reine d’Angleterre avec monsieur le Maire ! Et le voilà qui me parle avec amour et passion de sa ville te de son pays :

« Je suis maire à Welligton depuis 1956. Depuis, la ville a beaucoup changé ! Notre ville n’est pas polluée, avec une montagne en bord de mer, et un grand port international ! Les 30 000 hectares de la ville sont pleins de verdure. La ville est un immense jardin ! Sa majesté la « Queen » m’a promu Sir en 1966 ! »

 

« En Nouvelle Zélande nous sommes dans un pays sans différence de classes. A tout point de vue nous sommes un pays très particulier ! D’ailleurs je ne voudrais pas vivre dans un pays tout à fait comme les autres… ! En 1970 de Wellington, nous avons donné un exemple au monde. J’ai promené sa majesté la Reine, à travers les rues de la ville, sans aucune garde ni escorte ! Quel est le pays qui n’a pas besoin de protéger ses rois ? »

 

« Le Néo-Zélandais est d’un caractère pacifique, et il aime beaucoup le sport. Le rugby est notre jeu national, et notre équipe « All Blacks » est connue dans le monde entier ! Nous pratiquons aussi le football, le cricket, le hockey, le golf et les courses de chevaux. »

 

« Oui la Nouvelle Zélande est bien au bout du monde ! Pensez à ces menus détails anecdotiques de chez nous :

1-     A Gisborn au nord de Napier, nous sommes fiers d’être les premiers terrestres à voir le soleil se lever !

2-      Nous sommes en avance d’un jour en date sur le continent (date line).

3-     Quand chez vous la lune est concave vers la gauche, chez nous elle est l’est vers la droite.

4-     Ici, le cadran chiffré du téléphone va en croissant de bas en haut, de gauche à droite, contrairement à chez vous !

5-     Chez nous, l’eau de la baignoire s’écoule dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, contrairement à chez vous !

6-     Enfin le commutateur d’électricité doit être ici abaissé pour allumer, et non être monté !  

 

Adieu Nouvelle Zélande ! Bonjour Nouvelle Terre du monde au charme sans pareil !

 

 

Extraits d’ouvrage :  « SINDBAD EN OCEANIE »

 

Rached Trimèche

9 avril 1974

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