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Seychelles Iles de Rêve

 

 

 

Par  Rached Trimèche

 

 

 

Mahé. (août 1985). Un archipel d’une certaine d’îles perdues au beau milieu de l’Océan Indien. Un pays fait des plus vieilles roches granitiques du monde. Des îles nées il y a 600 millions d’années. Un pays habité pour la première fois, il y près de 300 ans à peine...

 

Ibnou Batouta, le célèbre grand voyageur maghrébin, qui passa par ces îles au XIVè siècle, découvre sur un archipel désert une faune végétale et animale à nulle autre pareille... Il écrivit : « l’Eden c’est ici ».

 

 

Que reste-t-il de cet Eden, de ce paradis aujourd’hui ? Essayons ensemble de dévoiler un plan de secret profond qui fait des Seychelles un des pays les plus rêvés, souhaités et désirés par tous les voyageurs de la planète... en quête de calme, de beauté, d’exotisme et de sérénité, au pays où la femme et le fruit font si bon ménage, au bord d’un turquoise lagon, à l’ombre des cocotiers bien particulier, les cocos-de-mer, où la température annuelle varie de 22 à 28 degrés !

 

Il est minuit nous arrivons de Saint Denis de la Réunion. Une fine petite pluie tropicale  nous accueille au nouvel aéroport international de Mahé. Une température douce permet aux hôtesses langoureuses de ne garder que leur fin chemisier doré. A l’entrée de l’aérogare, une « yellow line », ligne jaune, arrive comme un cheveu sur la soupe nous rappeler que nous sommes dans un système anglais. Voilà donc le cauchemar des « red lines » ou lignes rouges des Antilles du Sud, comme Trinité ou Barbados, qui recommence. Non, ce n’est qu’une fausse alerte. Ici la ligne jaune est dépassée par tous les non-timides et non-disciplinés pour arriver rapidement aux box du douanier-policier. On devrait strictement attendre, chacun son tour, à deux mètres du box de police, à la queue leu leu...

 

Nous allons vers Beauvallon, dans un sommaire petit bus TATA qui me rappelle New Delhi où monsieur TATA possède des centaines de milliers de bus de tous genres et des dizaines d’avions. En chemin nous gravissons sans peines des dizaines de virages sinueux, à travers une dense et sombre végétation...Tout est fermé. Le Seychellois dort avec le soleil, pour se réveiller en sa compagnie le lendemain matin...

 

Ce matin, à la réception de l’hôtel, on arrive vite à me consoler en me changeant de chambre avec vue sur mer... en m’offrant de surcroît un frais jus d’ananas et me conseillant un tour de l’île sympathique. La gentillesse de ce peuple sera au rendez-vous à chaque coin de rue, nous le constaterons en croisant le batelier de l’île de Praslin, en discutant avec différants ministres, avec des journalistes, des marchands de coquillages ou de fruits et même avec le Président de la République, René, en personne. De partout et toujours, cette non-agressivité, cette douceur et lenteur de vie, ce côté polynésien et tropicale qui rend l’habitant si attachant. Nous en reparlerons !

 

Une certaine d’îles, dont 94 seulement portent un nom, forment l’archipel des Seychelles. Mais où sommes-nous donc dans ce vaste Océan Indien ?

 

Nous sommes au large du Kenya, à la jointure sous-marine des deux continents, l’Afrique et l’Asie, à 1500 Km de Maurice et à 2800 Km de Bombay. Notre archipel est en fait un ensemble de quatre archipels éparpillés sur 400.000 Km² avec seulement 443 Km² de terre couverte, soit l’ensemble de la superficie de toutes ces îles, dites Seychelles.

 

 Des mouches éparpillées dans l’Océan ! Le premier de ces groupes d’archipels se nomme tout simplement l’archipel des Seychelles, formé de très rares et uniques îles granitiques du monde. A l’époque glaciaire, à la séparation des continents, naissaient, il y a 600 millions d’années, ces îles verdoyantes et montagneuses riches d’une végétation luxuriante tropicale qui forment les 2/3 des quatre archipels. Autour de Mahé (117 Km²), la plus grande de ces îles, flottent d’autres petits paradis insulaires comme Praslin, la Dingue, Curieuse, Cousin ou Frégate.

 

Entre 300 et 800 Kilomètres de Mahé se forment les trois autres archipels des Seychelles : Les Amirantes, Farquhar et Aldabra au nom arabe. Ces archipels ne sont plus de granit ancestral, mais de corail. Nous retrouvons  la topographie de la Polynésie et de Bora Bora particulièrement, avec une île annulaire centrée d’un lagon turquoise ou bleu, riche en milliers de poissons et  coquillages. Dans ces îlots perdus, des milliers d’oiseaux viennent élire domicile dans les bras de cocotiers, filaos, palmiers ou palétuviers. Dans ces îles le travail et le SMIG sont inconnus. La vie est libre tout comme l’amour. Les noix de coco, le coprah, les poissons, la salaison forment les principales activités de ces heureux insulaires !

 

Etouffés par une dense végétation tropicale et équatoriale, les habitants des Seychelles ont très peu d’espace de vie et ne sont  pas très nombreux. Sur les 443 Km² de surface, sur l’ensemble de la centaine d’îles, soit le quart de la superficie de l’île Maurice, vivent quelque 65.000 heureux Seychellois. Cela paraît insignifiant  comme nombre vu de loin, mais sur place, devant l’étroitesse des lieux, on voit l’île Mahé, par exemple, presque surpeuplée.

 

Devant l’hôtel, les chauffeurs de taxi en « rade » jouent aux dominos, dans un petit kiosque à toit ouvert, au bord de la station de taxi, en lançant leurs pions d’une façon très audible. Un autre chauffeur est en train de se servir  du coffre de son taxi japonais pour encadrer des sous-verre... Un atelier mobile. Un artiste qui prend son temps... Un homme qui gagne sa vie. Plus loin, dans une propre cabine téléphonique, un annuaire bleu en très bon état attend ses usagers. Aucun vandalisme urbain !

 

A vingt minutes de l’hôtel Beauvallon, nous arrivons au centre de Victoria, la capitale, face à l’horloge « Big Ben » ou « Clock Tower » qui serait une pâle et minuscule réplique de sa sœur londonienne. Cette micro-tour métallique, inaugurée en 1903, est le signe de la première civilisation des Seychelles. Plus loin, la cathédrale au curieux clocher qui sonne deux fois l’heure. Plus loin c’est le « Museum » au nom anglais bien sûr, comme toute l’administration officielle de ce pays, dont on lira l’histoire au prochain chapitre. Ce musée riche en collection de cocos-de-mer et divers coquillages présente également de vieux manuscrits insulaires.

 

 

  Plus loin, c’est le marché .C’est de nouveau les couleurs maraîchères  de Port Louis à Maurice ou de Grenade aux Antilles. Mais ici, le marché est minuscule à l’image de la capitale Victoria, dans cette île de Mahé. Des poissons et des fruits de toutes sortes sont offerts  aux clients. Entre la mangue, l’ananas, la pastèque, la noix de coco et les poissons barracudas, bourgeois, thons fuselés ou daurades argentées, nos papilles gustatives ont fort à faire...

 

Curieusement voilà que planent sur nos têtes  une douzaine de mouettes blanches, qui me rappellent certains gros oiseaux de mer de la Nouvelle Zélande. Cet oiseau nommé « Madame Paton » semble faire partie du personnel du marché, dans le pays qui abrite le plus d’oiseaux au kilomètre carré dans le monde...

 

Plus loin, en repassant devant la Tour  « Clock Tower » argentée et vieillotte, nous faisons le tour des étalages de l’avenue. Tout est à racheter. Les innombrables coquillages multicolores, les carapaces des tortues qui ne dépassent jamais les 24 pouces (c’est la loi, on ne peut tuer une tortue supérieure à cette taille !), des tee-shirts mirifiques, et surtout toutes sortes des répliques de cette curieuse noix de coco, dite coco de mer ou communément sans choquer aucune oreille « coco-fesse ». C’est que cette noix de coco est une reproduction naturelle et fidèle du bassin d’une femme, avec tous les détails anatomiques possibles. Nous en reparlerons longuement  dans notre prochaine escale, à l’île Praslin, paradis de cette espèce de noix de coco, unique au monde... qui devient curieusement  un second emblème du pays.

 

Cet après-midi, c’est la grande effervescence à l’hôtel. En bras de chemise, Vivian Labiche, le chef d’état civile de Mahé, arrive en grande pompe...précédant une ravissante mariée vêtue ou cachée de tulle blanc. Le jeune époux anglais était assis, il y a vingt jours, devant son téléviseur londonien en train de suivre un reportage sur les Seychelles, pays qui abrège au maximum la cérémonie du mariage. Voilà deux nos tourtereaux aux Seychelles, pour se marier et vivre de suite leur voyage de noces dans un pays idyllique. Un orchestre créole, des gâteaux, du champagne, quelques touristes et la gouvernante de l’hôtel font le reste du décor, pour lier le destin de ces amoureux anglais ... pour le meilleur et pour le pire ! Une nouvelle industrie touristique est née au pays, avec des mariages internationaux quotidiens. Et quelle publicité pour les Seychelles !

 

Ce soir, l’air est doux et la nuit sombre est illuminée de milliers d’étoiles scintillantes et basses. L’humidité n’est pas forte en cet hiver seychellois. La température est de vingt degrés environ.

Nous sommes attablés en bord de piscine autour de tables rondes. Le menu est un véritable festin de près de 20 salades différentes, dix poissons, viande et poulet. Il fallait jeûner à midi... Devant un orchestre de Mahé, nous savourons à petites doses les secret culinaires de notre buffet.

 

Après le désert, c’est le clou de la soirée, un défilé de mannequins, présentant les différentes boutiques de mode de la capitale. Quand on pense que ce pays était dépeuplé il y a 300 ans, on comprend facilement le pourquoi de la beauté de ces Seychelloises. Les Français premiers habitants du pays, ont non seulement laissé derrière eux des noms de famille tels que De La Fontaine, Labiche, René ou Moustache, mais des descendantes qui légèrement métissées deviennent de pulpeuses rousses, divines blondes à la peau cuivrée, ou sensuelles brunes à la peau dorée...

 

Nous suivons le spectacle avec minutie. Très décontractées ces jeunes mannequins arborent des vêtements occidentaux avec une touche créole et tropicale qui feraient pâlir de jalousie Yves Saint Laurent, Courrèges ou Louis Féraud...Ce qui attirait le plus notre attention , c’était la présentatrice et  directrice des sept mannequins. Une jeune dame brune, au corps sculptural qui vient de faire une série de photos  avec Bo Dereck. Je demandais à mon voisin qui la regardait avec encore plus de tendresse, s’il connaissait cette jeune beauté. Lentement il me répondit : « Oui c’est mon ex-femme ! On est à notre 29è divorce ! Gilbert Pool, coordinateur de CIGV-Seychelles, m’explique qu’aux Seychelles le mariage a une autre portée et une autre signification qu’en Occident. Ici se marier veut souvent dire être avec quelqu’un sans contrat de mariage. Après la naissance des premiers enfants, on pense en principe à se marier. Là, on est sûr de se marier par amour. Sinon, on se sépare... Et si la femme et ses enfants sont abandonnés par le mari, que deviendra cette femme ? Le nouvel homme et probable futur mari ne pensera même pas à ce détail et vivra avec « la famille » ou progéniture de cette femme. « Quand on prends le bœuf, on prend également ses cornes », dit un proverbe des îles !

 

Ici, l’union libre est naturelle. Moins de 15% des couples sont mariés. Le jour suivant, un jeune de vingt ans m’invitait à boire une bière pour fêter la naissance de son fils. Je lui faisais part de mon étonnement devant son si jeune âge et le nombre de bières déjà ingurgitées...

« J’aime une fille. Ma preuve d’amour c’est lui faire un enfant . Me marier, non ! Cela coûte trop cher d’inviter des centaines d’amis, de louer une salle et de payer un dîner et un orchestre. Avec mon salaire de chauffeur, il faudrait attendre encore quatre ou cinq ans avant de penser au mariage. Entre-temps, on a le temps de faire d’autres enfants... »

 

Mais un autre jour, dans une petite place proche du célèbre « Clock Tower », je voyais une vingtaine de jeunes dames tenant leurs enfants par la main et attendant patiemment au soleil devant une grande porte brune. Nous sommes devant un tribunal de Victoria qui écoutera tantôt ces mères naturelles pour décider de la pension que devra payer le père à son enfant abandonné. Loin d’être tristes, ces dames sont d’une gaieté toute naturelle.

 

Le mot est lâché « naturel » ! Dans ces îles, tout est naturel. Rien n’est déformé par les coutumes occidentales ou les tabous. La vie, l’amour, la joie et la paresse sont des choses naturelles d’insulaires heureux  dans un pays hors du temps, que nous allons continuer à explorer ensemble.

 

Praslin, Perle des Seychelles

 

Au pays des îles granitiques les plus vieilles du monde, au pays des atolls innombrables et presque inhabités, au pays où des millions d’oiseaux sont rois dans de denses et minuscules forêts équatoriales, aux Seychelles, nous allons poursuivre notre périple.

 

Au cœur de l’Océan Indien, nous continuerons notre découverte de ce minuscule pays éparpillé entre quatre archipels et plus de cent îles et îlots.

 

Quel est ce pays, ancien refuge de corsaires, de poètes ensuite et d’innombrables touristes venus des cinq continents, pour vivre le mythe des Seychelles.

 

Comment vivent 80.000 touristes auprès de 65.000 Seychellois dans ce paradis de poche de 443 km² de terre ferme ?

 

Ce matin, je suis attendu par le journal « Nation ».  Imaginez en bord de mer ou presque, une petite bâtisse blanche, gardée par une dizaine de soldats et policiers de très jeune âge.

 

Nous sommes à la maison de la radio et en outre siège de l’unique journal trilingue de l’île. « Nation », au gré de ses pages vous parle en français, (la langue culturelle et courante)  ou en créole la langue populaire.

 

Je revois dans cet édifice les simples locaux de la « Dépêche » de Papeete, capitale tahitienne, visitée il y a plus de dix ans.

 

Après les rites de l’interview de celui qui vient de loin ... je cours vers l’aéroport afin d’attraper mon petit avion d’Air Seychelles.

 

Neuf passagers sur un vieux « coucou » ou « zinc » qui arrive à décoller en tremblant de tout son corps et qui fait mine de s’arrêter au prochain tournant...

 

L’île de Mahé commence à s’éloigner, entourée de ses sœurs : La Ronde, St Anne, La Longue, L’Ile au Cerf, Thérèse et Conception. Rien que  vingt minutes de vol pour atteindre notre nouveau refuge, Praslin. L’avion pique du nez un terrain vague et freine ... à quelques mètres de la cabane ocre qui sert d’aérogare. C’est un peu l’aéroport de Grenade l’Antillaise ou de Bora Bora la polynésienne.

 

C’est une autre atmosphère déjà. Du calme. Du vide. Du bruit. Du silence. Un air velouté. Un état de grâce!

 

A l’époque où seul les Arabes et les phéniciens visitaient l’Océan indien, notre ami Ibn Batouta fut le premier à faire mentionner ces îles des Seychelles sur les cartes de l’époque, en laissant sur ce territoire des tombes arabes qui viennent d’être découvertes.

 

Vasco de Gama, en 1500, suivi deux ans plus tard par Alberto Canino, annonce la découverte officielle de l’archipel. Ce n’est qu’en 1600 qu’un navire de la prestigieuse Compagnie des Indes de France débarque sur l’archipel en laissant le journaliste prosaïque Jourdain envoler sa muse par le texte suivant : « Cette île ressemble à un paradis terrestre, très boisé, riche en eau, en coco, en poisons et en oiseaux ; une île qui n’inspire aucune crainte, sauf celle des caïmans, qui infestent l’embouchure des rivières ».

 

Par la suite, ce paradis de poche, ne fut visité que par des pirates de Maurice et de Madagascar. Les  légendes de corsaires racontent que le célèbre pirate La Buse, assidu et fidèle des Seychelles, ensevelissait ses trésors dans des caches étudiées. Le jour de sa pendaison, sur le Barachois de l’île de la Réunion voisine, il présenta à la foule un document mystérieux, en criant, avant de livrer son âme au bourreau joufflu : « Au plus intelligent ! »

 

Contrôleur des Finances du Roi Louis XV, Morau des Seychelles

A La Réunion, on évoque encore ce croquis de La Buse et la possibilité de retrouver ses trésors enfouis...

 

En 1742, Mahé de La Bourdonnais, alors Gouverneur Français à « L’île de France » (Maurice), découvre de nouveau par ses lieutenants de Seychelles qui appelleront leur île principale, où se trouve la capitale Victoria : «  Mahé ». Puis c’est en l’honneur du Contrôleur des Finances du Roi Louis XV, Morau des Seychelles, que l’archipel prend ce nom.

 

Plus tard, Quéau de Quincy essaye de protéger cette possession française des convoitises anglaises en ajoutant un Y à Sechelles pour faire anglais... Depuis 1815, la couronne Britannique prend le dessus pour en faire une colonie britannique en 1903 et puis enfin un Etat indépendant en 1976 et membre du Commonwealth.

 

Tout se mélange de races et de brassages de marins forme aujourd’hui un peuple français de souche et anglais de tradition, avec deux langues parlées généralement très bien, avec un penchant pour l’anglais qui reste la langue officielle du pays, au côté d’un riche créole populaire.

 

Dans un petit salon à ciel ouvert, entouré d’une dizaine de blancs coussins, je sirote un frais jus de mangue, avec la plage à deux mètres de ce lieu. Nous sommes au « Village du pêcheur », un minuscule hôtel blanc construit un peu les pieds dans l’eau. Je dois cette adresse enchanteresse à une Tunisienne...C’était la veille à l’hôtel Beauvallon, où madame Leila Bouccara  était entrain d’aménager l’hôtel en un futur Méridien. Cette dame qui aménage les hôtels de l’Afrique dit trouver son sublime refuge de paix et d’évasion à l’hôtel « Village du pêcheur »  de l’île de Praslin. Cette grande voyageuse a raison, elle connaît bien les lieux, tout comme son staff d’architectes.

 

C’est le coucher de soleil, il est déjà 18 heures. 18 heures 2 minutes,  c’est la pleine nuit  et les moustiques « Sand Flies » déjà invisibles, continuent à cacher leur seul millimètre de longueur  pour augmenter leurs périples épidermiques par centaines d’attaques  rangées...et nous sommes dans un lieu où le moustique est combattu !  Mais cela n’ôte point le charme du site. Ce soir le Directeur Louis Doffé nous invite à dîner, en prenant la barque à moteur de l’hôtel.

 

En cinq minute nous accostons  à l’île voisine de la Chauve-souris, pour découvrir un rocher de 100 mètres de rayon, avec quatre suites aménagées, entre des palmiers et rochers granitiques grises. C’est un rêve architectural que ces quatre chambres d’hôtel enfouis dans une très denses végétations de gros arbres ;cajou, papayer, avocatier, fougères royales, vacua aux fruits rouges et takamakas au port géant tout comme cet autre arbre, le badamier. Sur un plan de mur, deux gros lézards vert bouteille somnolent gentiment. Plus loin, sur le feuillage d’un arbre ces horribles araignées  « Debibe » noires ou rouges...que l’on trouvera en ville  par centaines, régnant sur leurs filets tressés entre les fils électriques...Une horreur qui me rappelle un lointain séjour à Puerto Igazu, à la frontière argento-brésilienne, où une araignée noire allait me faire passer de vie à trépas...

 

Un pigeon au bec noir et beau plumage blanc « Golant » vient me sortir de mes noirs souvenirs pour me ramener sur ce micro- paradis

 

Vers minuit, après le dîner, nous sommes vingt personnes à vouloir rentrer. Point de barque sur l’île ! Point de problème ! On rentre à pied. La marrée basse nous vient en secours, sous un clair de lune des Seychelles.

 

La Vallée de Mai

Ce matin, le réveil est brusque avec ce flot de soleil qui envahit la chambre d’hôtel. Après un frugal petit déjeuner, nous voici roulant vers la Vallée de Mai. De partout  sur le chemin, des villas-chalets accrochées aux flancs des collines. Les Suisses ont découvert Praslin depuis près de quinze ans et ont acheté à tour de bras terrains et villas. Aujourd’hui, tout cela devient hors de prix, mais il y a encore quelques années tout cela était presque offert, surtout à un franc suisse qui vaut quatre francs français.

 

Je repense à cette villa de maître que j’ai visité à Mahé, dans l’autre île. Une villa à trois étages accrochés à un flanc de colline qui se perd au bord de mer. Une superbe villa abandonnée aujourd’hui... par son propriétaire Italien, qui a dû l’acheter l’an passé au nom d’un Seychellois, pour déroger à la loi. Là c’est l’autre cas immobilier des Seychelles. Le cas des Italiens qui ont été les premiers à former « un tourisme de masse » au Seychelles et les premiers à investir en pierre dans ce pays .Aujourd’hui encore les touristes Italiens font légion, et certain de leurs compatriotes particuliers d’une dite « Grande Famille » viennent ici blanchir leur argent en achetant de l’immobilier par exemple.

 

Dans cette petite île de Praslin, 6 000 habitants vivent sur un minuscule territoire de 26 km², à une distance de 40 kilomètres de Mahé. Praslin tient son mon du Duc de Praslin, secrétaire d’Etat à la marine Française, Gabriel Choiseul.

 

 

Cette « Ile de Palmes », cernée de mer bleu azur, est décorée de collines piquetées de toit rouges ou jaunes : les maisons de pêcheurs. Mais certaines de ces maisons gardent encore un toit de coco marron... Tout un semblant d’irréel, de béatitude et de grand calme. C’est dans cet esprit que nous nous dirigeons sue une route serpentée vers la Vallée de Mai.

 

 

Nous sommes dans une des plus belles et plus petites réserves végétales du monde. Nous sommes légèrement au dessous de la ligne de l’équateur, donc avec une forêt équatoriale insulaire, contrairement à ces forêts tropicales de milliers d’hectares.

 

En achetant un billet d’entrée à une guérite et en inscrivant soigneusement son nom sur un registre, on pénètre par un sentier la Vallée de Mai. Là, j’oubliai toutes mes randonnées à travers 78 pays du monde pour savourer à pleine bouche cet état de grâce divine que dégage ce lieu minuscule et beau, perdu en plein Océan Indien...

 

Imaginez une réserve de 16 hectares en légères collines avec une lumière diffuse qui arrive à s’infiltrer par le haut des arbres touffus et élancés. Une petite humidité ou rosée accompagne les chants de milliers d’oiseaux invisibles. Un silence extra-terrestre rend ces lieux mirifiques édéniques. Tout cela n’est point exagéré !

 

Sous une voûte verte, lourde d’odeurs, nous marchons religieusement et silencieusement. Et le défilé végétal commence : le coco marron avec ses petites grappes riches en huiles en huile, le palmiste à la barbe blanche, dont la rapide pousse ne met que deux ans et dont le cœur accroché à la cime du palmier produit cet insolite mets dit « salade de milliardaire ». Plus loin poussent des gigantesques takamakas aux feuilles luisantes et épaisses pareilles au magnolia et dont le bois blond pâle ou rose sert pour la fabrication des meubles de l’île. Le voisin pandanus ou vacoa a un fruit comestible ressemblant à l’ananas.

 

Des arbres à pain 

Les pommes rondes et vertes « des arbres à pain » géantes ressemblant à un figuier sont consommées après cuisson, tout comme les fruits du « jaquier ». Des filaos, des goyaviers, des canneliers, des bananiers et des papayers meublent la suite du paysage. Paysage assez courant sous ces tropiques, si il n’y avait en plus, cet arbre hors de l’ordinaire, le « Codoicea  Seychellarum », coco de mer ou encore  ou encore vulgairement appelé « coco de fesses ». Inspiratrices de multiples légendes et de controverses, ces noix de cocos ne finissent pas d’étonner. On raconte que les Maldiviens voyant échouer sur leurs rivages d’énormes fruits doubles enveloppés de grosses bourres, pensaient que ces fruits provenaient d’arbres géants et gargantuesques poussant en pleine mer et appelèrent ces fruits cocos de mer. Mais un coco de mer d’une trentaine de kilogrammes ne peut flotter. Le courant marin entre les Maldives et les Seychelles est dans le mauvais sens. Ce courant va du Maldives aux Seychelles... ! La seule explication plausible serait que les Portugais auraient découvert ces fruits en même temps que les Seychelles et tenait à garder le secret...Mais ces fruits ont été dotés d’une grande valeur médicinale et aphrodisiaque auprès du Roi du Maldives et de ses sujets qui en étaient friands, d’où leur commerce.

 

Du botaniste Poivre aux marins Dufresne et Picault, tous furent subjugués par ce fruit. Gordon écrivit : « C’est un arbre unique, c’est le prince des palmiers .Je crois que c’est l’arbre de la science du bien et du mal ».La forme de ces noix est tellement suggestive qu’elle a inspiré ces lignes à Monfreid : « Cette grosse noix d’une trentaine de centimètres est une noix double, dont les deux hémisphères rappellent à s’y méprendre une paire de fesses, entre les quelles la nature s’est plue à reproduire minutieusement certains détails particulièrement suggestifs ». Ce cocotier aux feuilles de palmiers vit jusqu’à 1000 ans. Du haut de ses 30 mètres, les larges feuilles tombent en éventail. A l’âge de 25 ans, cet arbre commence à  reproduire des fruits qui à leur tour mettent sept ans pour atteindre cette couleur marron et mûrir.

 

L’énorme phallus du coco mâle atteint 60 centimètres de long en six mois. C’est le vent et les abeilles qui opèrent la fécondation...mais comme dit le poète, il est plus romantique de penser que par les nuits de pleine lune le coco mâle vient courtiser le coco femelle dans cette splendide et exotique Vallée de Mai.

 

 R.T. (3 /08/ 1985)

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