Les choses de la vie

 

Par Rached Trimèche

 

 

Découvrons ensemble trois pages d’une vie quotidienne. Des réflexions et des expériences, à Hammamet, vers le Bon Dieu à la lointaine île Rodrigues, au cœur de l’Océan Indien. Les choses de la vie !

 

1. Les Garçons à Hammamet

Ces 20 dernières années ont apporté au monde plus de changements que les 200 dernières années ! Internet, le téléphone cellulaire et les différentes variantes de chaînes télévisées du monde font de notre jeunesse une autre jeunesse !

 

Aujourd’hui, la technologie change la vie d’année en année et il n’est point étonnant que nos enfants changent vite, plus vite que nous certes, même si nous manions personnellement, à foison, toutes ces technologies !

 

La vraie révolution à mon avis est également dans un autre contexte. Le contexte de la meute ! Nos enfants vivent en communauté de « camarades-amis » où tout événement de mode, et de mode de vie est royalement partagé. Sans exception !

 

 

Je me souviens d’avoir un jour refusé à mon aîné, âgé de 7 ans, d’acheter des chaussures Nike qui coûtaient aussi chères que le tiers d’un Smic tunisien. Face à sa détermination je suis allé rencontrer son instituteur de l’école primaire d’El Menzah VI. Quelle ne fut ma surprise d’apprendre que sur 28 élèves, 27 avaient déjà acheté le même Nike et que la moitié de cette classe était loin d’avoir des parents aisés !

Exécution ! Réalité Bonjour !

 

Esclandre à Hammamet

 

Voici une première expérience vécue à Hammamet, en Tunisie, alors que mon aîné n`avait que 14 ans. De nature, je suis un lève-tôt et donc un couche-tôt.

C`est le mois d’août et notre maison en bord de mer est animée par les innombrables amis de nos jeunes enfants… Il était 3 heures du matin. J`entends ma femme marcher à pas de loup à travers le jardin….C`est le drame, la chambre des enfants est vide. L`aîné qui n’a que 14 ans et 13 pour le cadet sont tous deux absents. Le 3e, âgé de six ans à peine, dort tranquillement.

Après moult téléphones je me résigne à sillonner la ville et à arriver face à l`incontournable refuge estivalier, Le Calypso, la boite aux 1 000 jeunes clients assoiffés de musique. A l`entrée, je reconnais bientôt une tête, puis une seconde…

Rouge de colère, je fonce vers les sbires de l`entrée demandant à parler immédiatement au patron de la boite. J`ai tellement crié que le patron escorté de deux messieurs au visage grave vint pour essayer de me foutre dehors.

 

- « Monsieur je viens vous dire que je vais de ce pas au commissariat de police me plaindre du fait que vous autorisez des mineurs à entrer dans votre établissement et que je vais même demander la fermeture de votre Calypso. »

 

-         Le second monsieur aux lunettes noires prit la parole pour se présenter comme un officier de police en personne. S`ensuit un gros cafouillage, les enfants qui se ramènent en bande et que le commissaire escorte avec révérence car l`un d`eux (qui en plus habitait chez nous le week-end) était le fils du Conseiller du président. Une heure plus tard, ces cinq jeunes étaient à la maison et ma colère ne cessa point, car je n`acceptais pas cette boite recevant des enfants de 13 et 14 ans à l`aube naissante. J`en ai fait un peu trop c’est vrai.

 

Aujourd’hui encore, on en rigole de la façon dont j’ai envoyé tout ce monde au diable…et le giron amical gardera un pseudo de cette soirée : « JeryMtaa… ».

Protecteur démesuré, peut-être, le « père-mère-poule » ne saura freiner son instinct de protection… Ainsi va la vie.

 

 
2. Lettre au Bon Dieu
 

Quand je suis rentré d’Australie pour m’installer en Tunisie, l’ancien Maire de Ben Arous, feu Si  H.K, m’a posé toutes sortes de petits problèmes, pour retarder l’achat d’une officine !

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J’étais très jeune et dépourvu de relations ! Je ne voulais pas trop déranger mon père (qui m’a déjà acheté cette pharmacie en question) et voulais m’en sortir seul des méandres de notre chère administration !

Echec sur toute la ligne ! Du fameux « Erjaa Ghodwa » ou « Revenez demain » à l’impossibilité de trouver un document !

Il fumait cigarette sur cigarette et changeait de siège toutes les minutes ! Le Maire est furieux et pour se débarrasser de moi, qui refusait d’attendre un mois de plus, il me lança : « Ichki Errabi » ou « Va te plaindre au bon Dieu » !

 

72 heures plus tard j’étais courtoisement convoqué chez le Maire. Sa main tremblait, sa cigarette tombait de ses lèvres épaisses et son front perlait de sueur ! Il  me répétait :

 

-         Vous avez donc osé vous plaindre et écrire au Bon Dieu ?

       Oublions tout et voici votre document demandé !

 

Oui ! J’avais écrit une supplique au Bon Dieu avec copie INFO au Maire !

Devant le succès de la chose, j’ai employé ce  même petit artifice trois autres fois face à des portes closes et cela a marché ! LA peur du Demain, de la mort et de l’éventuelle autre vie ont souvent raison des empêcheurs de tourner en rond !

Aujourd’hui, sept problèmes sociaux quotidiens me chiffonnent au plus au point !

En simple citoyen je vais me plaindre au bon Dieu dans les trois prochains articles ou Posts de mon Blog (Rached Elgreco) et demander secours et assistance à citoyen !

R.T.

http://rachedelgreco.blogspirit.com

 

 

 

3. Plongée au bout du monde

 

 

Notre seconde étape du périple, de mai 2008,  est insulaire à nouveau. L’île lointaine de Rodrigues au cœur de l’Océan indien. Loin de tout. Un monde où l’homme a tout saccagé à son arrivée il y a 350 ans à peine sur une île déserte. Tortues géantes, Solitaire ou Dodo, bois précieux et autres animaux et plantes uniques.

 

Portugais, Français et Anglais au long cours se s’en donnés à cœur joie, dans ce paradis du bout du monde. Depuis, tout cela s’est calmé et les 37 500 habitants du pays ont décidé en toute démocratie de protéger leur littoral, leur faune et leur flore. La modernité et modernisme de l’île Maurice sont ici inconnus et tout est super protégé : fleurs, faune et coraux. On y reviendra dans un grand reportage !

 

Ce matin, Zi mon fils est fébrile et serein à la fois. It’s the big day : son baptême de plongée en bouteille. Caramba !

 

Notre embarcation prend le large poussé par deux moteurs japonais furieux ! Il faut rejoindre la passe au loin, là où commence la fente abyssale de 60 mètres et où le requin marteau et les raies géantes seraient visibles.

 

Le moniteur calme et détendu explique toute la technique de la plongée à Zi. Aussitôt dit aussitôt fait que voilà nos deux plongeurs déguisés en marsouins noirs dans une belle combinaison de plongée avec une lourde bouteille sur le dos et des masques bleus.

Tout va très vite. Ils basculent dos dans l’eau et apparaissent enfin …les premières bulles d’oxygène des plongeurs invétérés.

 

Au bout de 30 minutes qui me paraissent durer un siècle je n’arrive plus à distinguer les bulles proches de la passe de l’Océan Indien. Deux, trois, sept minutes passent. Notre conducteur de bateau à moitié rastas aux cheveux crépus et aux lunettes géantes et noires lance son verdict :

- «  Je ne vois plus du tout les bulles d’oxygène des plongeurs ».

La mer est houleuse et mon cœur bat la chamade. Je m’empare rapidement du premier masque et tube et dans ma précipitation je le laisse hélas filer dans l’eau en voulant plonger. Un deuxième existe heureusement.

 

Je nage dans une eau silencieuse avec au sol un merveilleux lagon parsemé de coraux multicolores et poissons langoureux ? Au bout de cinq petites minutes, je vois les plongeurs six mètres plus bas ? Pendant plus de vingt minutes, en mère-père-poule je nage au dessus de mon fils en le suivant dans ses randonnées de plongée sous-marine… Puis, comme soulagé par cet accompagnement, je regagne notre petit bateau. Désangoissé et soulagé !

 

Le soir, entre deux bonnes bières locales bien fraîches, Phoenix, une question revient sur le tapis :

-         « Avec toute ton énergie et temps dépensés dans tes clubs Kiwanis et CIGV par exemple, t’aurais pu te mettre dans les grosses affaires et devenir incontestablement milliardaire papa ? »

 

Quand je demande à quoi cela sert-il par exemple, on me répond «  à avoir par exemple un petit bateau pour la plongée ou prendre toujours les meilleurs hôtels du monde… »

 

Sans être une réponse de Normand ma réponse reflète tout simplement ce que je pense :

 

Au plus profond de mon âme je suis marqué par mes 52 premiers pays visités en auto-stop à l’âge de l’adolescence, entre 17 et 22 ans ! Cette merveilleuse envolée dans le monde, cette périlleuse descente de la Cordillère des Andes à travers tous les pays de l’Amérique latine et un retour (en stop toujours) par l’Amazonie, vous forgent un état d’esprit.

 

Cette chance de voyager sans le sou, armé uniquement de mon sourire et des langues étrangères m’a ouvert toutes les portes du monde et ne m’a épargné de la route du gain rapace de l’argent.

 

Après mes longues et différentes études universitaires, j’ai vite compris que l’argent était une simple drogue (dépendante) où les zéros de vos millions et milliards sont souvent dans un écran d’ordinateur ou sur une feuille de papier. Rien de jouissif,  rien de valeureux, rien d’extasiant, comme une aventure humaine, la connaissance d’un nouveau pays ou de nouveaux Hommes.

 

C’est vrai que mes dizaines de milliers d’heures offertes à mes associations auraient pu être lucratives et me transformer en nabab !

 

Aurais-je eu ainsi la joie, de continuer à découvrir le monde en vrai voyageur qui passe du cinq étoiles au logement chez l’habitant, comme à Rodrigues ?

Aurais-je eu le luxe de partir, quand je voulais  pour découvrir le monde ?

 

Cela me rappelle une histoire entre un grand père et son petit-fils Marseillais !

 

-         Jean, tu as 28 ans et tu dois enfin de mettre au travail et gagner ta vie !

 

-         Pourquoi donc Pépé ? Je suis bien comme cela avec mon petit remplacement temporaire à la poste, deux jours par semaine !

 

 

-         Mais si tu commences un petit projet, je t’avance les fonds et tu seras rapidement aisé !

 

-         Et une fois assez fortuné je fais quoi ?

 

 

-         Tu vends ta petite entreprise et tu crées une nouvelle trois fois plus grande et tu travailles trois fois plus !

 

-         Et après tout cela ?

 

 

-         Tu vends enfin cette nouvelle entreprise et tu crées une nouvelle. Tu travailleras jour et nuit pendant 10 ans et tu seras enfin millionnaire !

 

-         Ah bon ? et une fois millionnaire je fais quoi ?

 

 

-         Alors là, à soixante ans, tu lèveras le pied et tu n’iras plus que deux fois par semaine dans ton usine. Tu auras enfin le temps de paresser, de dormir et même de voyager !

 

-         Mais Pépé pourquoi attendre l’âge de 60 ans pour avoir ce dit paradis, alors que je l’ai déjà avec mes petits remplacements à la poste ?